IFI, Gilets Jaunes, Covid-19 : quand comprendrons-nous que la collecte de libéralités est moins aléatoire que celle des dons ponctuels ? – Tribune du pôle legs

C'est leur avis,Libéralités | 27 avril 2020 9 minutes


la collecte de legs est moins aléatoire que celle du don

Alors que les associations sont frappées, à nouveau, de plein fouet, par les conséquences d’une crise contextuelle, les inquiétudes concernant les montants collectés sur 2020 croissent à juste titre. Dépendance aux moyens de paiement traditionnels, impacts de la délivrabilité du courrier, nécessité de recruter de nouveaux donateurs digitaux : le confinement nous oblige à revoir tous les déploiements opérationnels programmés sur l’année. A l’inverse, un double paradoxe se maintient dans l’anonymat le plus total : la collecte de legs, en plus d’être mise en stop quasi-complet, n’est toujours pas valorisée à son juste potentiel.

Que nous faut-il de plus qu’une pandémie pour enfin se pencher sur ce mode de soutien solide et fiable, indépendant du contexte ? Une bonne fois pour toute, admettons la grande valeur ajoutée des legs, donations et assurances-vie, et développons-les à la hauteur de leurs besoins !

Quelques conséquences des effets d’une crise sur la collecte de dons ponctuels

Rééquilibrage des canaux : quand le digital vole la vedette au print

Depuis la mi-mars, les résultats des campagnes digitales sont en large hausse, quand en parallèle, la rentabilité de celles déployées sur le print est en baisse. Des chiffres prints du Covid parfois inquiétants: – 75%, -80% au cours des premières semaines, même si les statistiques remontent, heureusement. Une bascule de canal d’émission qui ne suffit pas à inverser la donne : en 2019, on estimait à 10% en moyenne la part de collecte digitale d’une association.

La dépendance d’un système aux modes de collecte traditionnels

Centrée sur les donateurs traditionnels seniors, la collecte 2020 se nourrit encore majoritairement de chèques et de bulletins de mailings papiers. Sans parler des très jeunes, les donateurs digitaux, aux profils et à la rentabilité variés, sont souvent dépriorisés. Là encore, une tendance aux doubles conséquences : en plus d’être directement impactés par le contexte comme le montre cette infographie, nous nous concentrons encore trop sur une génération de donateurs de 70 ans+ qui est en train de s’éteindre progressivement.

Comment faire bouger les choses ?

Adresser et séduire de nouveaux donateurs, développer des parcours de dons adaptés à leurs attentes, proposer des solutions de paiement conformes à leurs usages… Les axes de développement sont nombreux : l’an passé nous proposions 36 solutions pour repenser et rajeunir sa collecte. Mais les libéralités, cet autre vivier de ressources, sont encore complètement inexploitées par trop d’acteurs du secteur. Elles proposent une vraie richesse de profils, de montants, de motivations et de discours, dont nous n’avons probablement même pas encore conscience ! Quel drame de se priver de tant, juste parce que les spécificités de ce levier nous déstabilisent trop. Explications.

La richesse encore insoupçonnée des libéralités

Potentiellement, 100% des Français peuvent transmettre

Les motivations à la transmission sont très variées : par conviction, pour soutenir son association, mais pas seulement ! On peut devenir testateur pour ne pas léguer à l’Etat, pour ne pas transmettre à sa famille, pour défiscaliser, se débarrasser d’une succession complexe… 50% des testateurs ne sont pas des donateurs ! Des profils beaucoup plus divers que ceux du marketing classique, ciblant pour l’instant surtout les généreux et les généreux-défiscalisateurs. A titre comparatif, 1/6 des Français sont donateurs, soit moins de 20% de la population.

En cumulé, les 20 plus gros collecteurs de legs ont récolté, en 2018, 693 millions d’euros, contre 924 en dons manuels.

Une diversité de dispositions qui permet à chacun de construire son projet

Les dispositions sont nombreuses : legs universel, legs universel à charge, legs à titre universel, don sur succession, cession de son assurance-vie, sans parler des différentes donations ! A la différence du don, les biens transmissibles sont multiples : somme d’argent, bien sur, mais aussi objet, bijou, œuvre d’art, portefeuille d’action, bien mobilier ou immobilier, terrain… Enfin, selon la maturité de l’association, les contreparties peuvent être très attractives : affectation du legs à un projet, maintien du souvenir, fleurissement de la tombe, gestion de l’obsèques, monument aux morts, plaques commémoratives, conservation de certains objets… Chacun peut construire son projet personnel de succession.

Certaines libéralités peuvent générer des ressources rapides

Toutes les libéralités n’ont pas trait au testament. La donation en nue-propriété et la donation temporaire d’usufruit peuvent permettre de défiscaliser de son vivant. De même, le don sur succession permet de se débarrasser d’une succession encombrante : un bénéfice qui peut intéresser les cibles Boomers et les X, dont les proches, parents et / ou amis, commencent à décéder. En effet, une succession n’est pas toujours un cadeau, lorsque par exemple, la maison de votre maman est au fond du Limousin ou au beau milieu d’un autre pays, pleine d’effets personnels à vider, à entretenir ou à parvenir à vendre…

Les montants des collectes de libéralités n’ont rien à envier à ceux des dons manuels !

Nous le schématisions récemment, les montants collectés en libéralités sont loin d’être risibles. En cumulé, les 20 plus gros collecteurs de legs ont récolté, en 2018, 693 millions d’euros, contre 924 pour les plus grands collecteurs de dons manuels. Un chiffre d’autant plus parlant quand on considère les budgets moindres généralement alloués au développement des libéralités…

Le legs, l’engagement ultime, la meilleure des recommandations des pairs

Léguer, c’est choisir d’associer son souvenir à une marque. L’engagement peut être très puissant : certains testateurs deviennent parfois de véritables promoteurs de leur association, en vulgarisant les libéralités à leurs proches et détaillant leur parcours. Quelle communication économique et précieuse ! Et pourtant, complètement dénigrée. Pourquoi ? Parce que les libéralités impliquent de modifier nos habitudes de markéteux. En un mot, de travailler autrement.

Pourquoi ce mode de collecte est-il encore délaissé ?

Les libéralités impliquent d’investir en communication

Aujourd’hui, 2/3 des Français ne connaissent pas les libéralités. De plus, le tunnel de conversion legs possède ses spécificités. Conséquence : la nécessité de communiquer largement, auprès de son fichier et dans les médias. Or, à la différence du marketing, les retours de la communication ne se mesurent pas. D’où une incompréhension des conseils d’administration lors de la présentation des résultats et actions entreprises. Découvrez ici nos 5 objectifs legs facilement chiffrables pour vos bilans annuels. 

A la différence du don, les biens transmissibles sont multiples : somme d’argent, bien sur, mais aussi objet, bijou, œuvre d’art, portefeuille d’action, bien mobilier ou immobilier, terrain…

Pour travailler ses libéralités, nous devons accepter d’avancer partiellement à l’aveugle

Un legs n’est pas un don : c’est une démarche personnelle qui restera secrète pour une partie des testateurs. On estime aujourd’hui à environ 50% la part de testateurs actuels qui ne souhaitent pas entrer en contact avec l’association. Une communication étendue est le seul moyen d’adresser des testateurs potentiels, tout en acceptant de ne pas recevoir de retours d’une partie d’entre eux.

Taux de retours, ROI… les KPIs des libéralités nous obligent à travailler autrement

En plus du manque de retours directs sur les actions entreprises, il faut bien comprendre que le calendrier libéralités est différent. Cela va sembler très cru, mais ce n’est pas parce que vous communiquez que la personne est séduite, convaincue, agit et décède dans la foulée ! Il est impossible de corréler une action à un résultat, d’abord parce que l’action a des répercussions durant des années, parce que la traçabilité est souvent impossible, et ensuite, parce que vous ne pourrez jamais savoir laquelle de vos communications a persuadé, directement ou non, les 50% de testateurs inconnus de votre fichier.

Investir dans le temps humain et dans les R.H.

Une grande différence avec le marketing est que le legs se joue sur l’humain : la capacité à accueillir, à écouter, à accompagner, à visiter, à rappeler… C’est en étant présent sur des années qu’on obtient des legs, parfois les plus beaux, en symbolique comme en montant. Mais si cette dimension relationnelle n’est pas solide, l’association ne sera probablement pas en mesure de capter la première prise de contact du testateur potentiel. Car cette prise de contact est diverse : appel, e-mail, courrier, courrier au siège, formulaire web, mot au dos d’un chèque, parmi tant d’autres ! D’où l’importance d’investir en relations humaines et d’attribuer un poste à la gestion de la relation testateurs.

Accepter la diversité du calendrier des libéralités

Ce n’est pas parce qu’un testament est ouvert que la somme est perçue. Parfois, il suffit de quelques semaines, parfois de plusieurs années. Pour développer ses libéralités, il faut accepter de recevoir toutes les dispositions : on ne peut pas « choisir ». Et certaines sont complexes et requièrent beaucoup d’investissement humain comme financier pour les gérer. Parfois, des associations ne veulent pas recevoir de donations immobilières, car ne pouvant utiliser les locaux pour les missions, elles ne veulent pas perdre de temps à essayer de les vendre. Mais où est la limite ? Au jour où on refuse un lot d’immeubles d’une valeur de 5 millions d’euros parce qu’on n’est pas équipé pour …?

Enfin, et surtout, parce que les libéralités sont mal jugées…

« Je ne veux pas passer pour un arriviste, un pilleur de tombes »… une pensée fréquente et tellement erronée ! Pour qui connait un peu les seniors et leurs craintes, les libéralités sont au contraire un projet formidable ! Quoi de mieux que de ne plus être tributaire de sa situation et de la fatalité ? De pouvoir choisir quoi faire de son patrimoine, construit tout le long de sa vie ? Souvent, les testateurs disent même « être soulagés ». Les libéralités n’ont rien de coercitif. Elles proposent, à l’inverse, à celui qui le souhaite, de construire son dernier bout de chemin de vie. C’est une des plus belles offres que proposent marchand & non-marchand, alors assumons-la et prenons enfin plaisir à la faire grandir.

A bientôt j’espère,

Mathilde Delhaume.